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Écrits

Cette rubrique est destinée à partager mes réflexions en lien avec ma pratique clinique, teintées des rencontres avec les problématiques des patients, nourries par mes lectures et des résonances avec mon parcours singulier.

23/01/2025 

Ces envies d’ailleurs... 

 

Ma rencontre avec des sujets expatriés m’a permis de m’interroger et de m’intéresser de plus près au processus de l’expatriation via ma pratique clinique en ligne et en présentiel.  

L’expatriation constitue un déplacement volontaire hors du pays d’origine, marqué par la possibilité du retour. Loin du mythe du golden globe-trotter adhérant pleinement à l’hypermobilité postmoderne, l’expatriation apparaît comme une expérience subjective complexe qui peut s’envisager soit du côté d’un état de crise, de bouleversements majeurs sur les plans identitaires et narcissiques, ou au contraire dans ses dimensions créatrices d’un ordre nouveau. 

Que traduisent ces mouvements d’allers-retours, d’entre-deux terres ? Ne serait-ce pas une tentative de subjectivation, pour maitriser la séparation, à l’image du “Fort-Da”? (Freud, 1920). Si la motivation demeure indispensable pour partir vers un ailleurs, elle ne suffit pas pour autant à réussir le déplacement, car tout sujet est traversé par des motifs latents qui peuvent se révéler au cours du séjour loin de leur terre natale.

 

Comme le suggère l’étymologie du mot, s’expatrier revient bien à poser un acte vis-à-vis de la terre “des pères ”, de la famille que l’on peut entendre du côté des “pairs”, afin de trouver d’autres re-pères. 

Le mouvement vers l’ailleurs est toujours porté par un désir : désir de rupture avec un passé, désir de désaliénation, désir d’affirmation du sujet. Ce sont des motivations puissantes à vouloir s’extraire du pays d’origine. N’est-ce pas une recherche inconsciente d’un retour au “paradis perdu”, en d’autres termes le temps de la complétude mère-bébé. La rupture avec le pays d’origine réactualise la séparation primordiale, à savoir celle de la naissance. L’expatrié tente une reprise de façon active de la séparation première vécue passivement, en quittant plutôt que d’être quittée. Il tente au travers de cette répétition, de traiter des vécus internes de séparations qui n’ont pu être pensés, comme beaucoup de patients qui se retrouvent sans cesse aux quatre coins du monde.  

 

“Alors même que le désir de quitter la terre première sous-tend souvent un voeu inconscient de séparation des objets premiers qui s’y rattachent, c’est plus le ravivement de l’aliénation primaire que son extinction que rencontre le sujet exilé à l’étranger” Pestre.  

Fantasme et fantôme ont la même origine latine et grecque. Le fantasme de l’ailleurs et de rupture d’avec le pays d’origine, viendrait ainsi convoquer les “fantômes” du passé qu’il faudrait oublier. 

L’émergence de symptômes qui pousse à consulter un psychologue, offre au patient la possibilité de mettre au travail et un accès à la symbolisation face à des vécus internes restés en souffrance de représentations, dans un cadre thérapeutique afin de permettre de donner du sens à ce passage à l’acte qu’est l’expatriation. 

Malgré un départ sous couvert de raisons pragmatiques (carrière professionnelle, recherche d’un meilleur cadre de vie) j’entends très souvent une population jeune motivée à partir loin, comme une urgence à vivre, “c’est maintenant ou jamais”. Le départ apparaît comme une solution temporaire à l’angoisse. Elle répond à un désir de fuite d’un environnement étouffant, ou de dégagement, voire de rupture par rapport à la famille.  

Une autre dimension s’entend à travers la recherche d’une transformation intérieure, la quête de soi, et aussi un moyen de traitement de la souffrance psychique antérieure au départ. Dans d’autres cas, ces nouvelles expériences sont aussi l’occasion d’une revalorisation narcissique dans le regard de leur groupe d’origine, et le caractère unique que leur procure le fait d’être étranger dans le pays de résidence. C’est aussi l’opportunité d’interroger les dynamiques relationnelles familiales et sa place au sein même de ce système. 

Comment se manifeste ce fantasme d’envie d’ailleurs qui a nourri et porté le projet de départ ? Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un Idéal du Moi très présent, c’est-à-dire de ce “que j’aimerais être”, modelé par les idéaux parentaux et sociétaux. Le séjour à l’étranger est de ce fait bien souvent idéalisé. D’après Tiberghien, certains sujets imaginent trouver à l’étranger ce qu’ils aimeraient en fait voir en eux. De ce fait, après la chute du paradis perdu, les motifs latents de l’expatriation se révèlent dans l’après-coup de l’installation. 

Le séjour implique nécessairement une séparation, comme perte du contenant culturel qui peut réactiver une fragilité narcissique plus ou moins transitoire. Nous pouvons retrouver des sujets aux prises avec des angoisses très archaïques ou des angoisses d’empiètement par le vide, comme au temps des premiers temps de rencontre avec l’autre, du vécu en tant que bébé. L’environnement étranger peut donner lieu à des perturbations thymiques et relationnelles que les sujets ne comprennent pas puisqu’ils se sont extraits du pays d’origine pour une vie meilleure.

 

Le changement d’environnement conduit le sujet à une remise en question des bases identitaires qui peut conduire à un état de mal-être ou de détresse. Faire face à l’inconnu peut provoquer un sentiment d’insécurité, ou de faire l’expérience de la capacité à être seul. D'autres mouvements comme la nostalgie peuvent apparaitre, constituant “un retour à soi”, à l’élaboration de la perte.  

L’expatriation semble donc impliquer une évolution des liens, qui se repère à travers les mouvements d’affiliation et de filiation. Selon Drewski, l’éloignement de la famille peut alors revenir pour le sujet à déroger au pacte narcissique familial visant à des réaménagements des liens d’appartenance. 

Dans ce contexte migratoire, “les restes intraduits” (Freud, 1896) de l’inconscient refont plus facilement surface et acquièrent le pouvoir de détricoter le tissage qui existait, nous dit Pestre.  
Mon travail de clinicienne est de permettre d’aider le patient à déconstruire ce qui l’a amené à s’extraire de son pays d’origine, et remettre au travail les parties non symbolisées de l’histoire du sujet afin qu’il ne soit plus esclave de cette pensée magique ou d’un fantasme qui repose principalement sur une idéalisation forte, mais au contraire que le sujet puisse accéder à la réappropriation de son historicité. 

05 février 2025....

Et les artistes dans tout ça...

Et si on dansait ? Quoi de plus plaisant que sentir son corps en mouvement, de bouger au rythme de la musique, comme un puissant élan de vie dont nos battements de cœur font que nous nous sentons pleinement vivants… D’un plaisir purement instinctif, comment passe-t-on de l’état de danse amateur à celui de l’état de danse destiné à être professionnel ? Quel est le désir qui sous-tend cette vocation ? Cette discipline que représente la danse classique convoque les extrêmes, les limites du corps et de l'esprit. Elle nécessite de se surpasser sans cesse pour atteindre une perfection toujours subjective. Dès mon plus jeune âge, la danse s'est invitée dans ma chair et ne m'a plus jamais quittée. Comme un coup de grâce, de ce port de tête élégant, elle était ma raison de vivre, je respirais danse, j'étais comme envoûtée par cet art.

Plus qu'une passion, elle était une consécration.

Lors de mon parcours professionnel de danseuse, je me suis souvent demandée pourquoi les danseurs étions toujours "la dernière roue du carrosse" ? À l’époque, il y a plus de vingt ans, aucune prise en charge physique et encore moins psychique était proposée. Pourtant, les danseurs sont des sportifs de haut niveau. Pourquoi un tel décalage parmi les autres sportifs ? Malgré l’amour que chaque artiste porte à leur discipline, le danseur, l'écrivain, le musicien, le chanteur… est souvent traversé par des périodes plus sombres. Comme tout être passionné, il ne sait pas faire les choses à moitié. Il donne tout, jusqu’au point de s’oublier. C’est la raison pour laquelle je propose un accompagnement psychologique adapté et spécifique pour les artistes.  

Les médecins, les kinésithérapeutes et ostéopathes sont souvent les premiers interlocuteurs des danseurs et de la population générale. Ces consultations sont nécessaires mais une aide psychologique peut s’avérer précieuse pour identifier et mieux comprendre les différentes formes de plainte, les demandes de "réparation", ou des problématiques limites et narcissiques.

L’univers artistique, lieu de sublimation par excellence, peut aussi renvoyer à de nombreux doutes, questionnements et problème tels que :

le culte de la performance, les échecs à répétition lors d’auditions ou de castings, le maniement de la concurrence, les enjeux de rivalité ou bien encore répondre à un désir autre que le sien, la précarité du statut et de l’emploi, la chute d’un idéal, la reconversion professionnelle, etc.

On peut aussi rencontrer des perturbations en lien avec le corps tels que des troubles du comportement alimentaire, des troubles de l’image de soi, des somatisations de tous types.

Sans compter les blessures réelles du corps (entorses, fractures, névralgies, arthrose…), pouvant  fragiliser le psychisme, convoquant une vulnérabilité avec un sentiment de perte de contrôle ou d’impuissance.

Les blessures de l’âme peuvent s’ajouter à la blessure physique, avec une perte d’estime de soi, des passages à vide, des troubles anxio-dépressifs…

Un travail psychothérapeutique pourra être envisagé pour distinguer ce qui relève de mécanismes plus inconscients afin de retrouver du mouvement dans votre vie psychique.

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© Emilie Brissaud | 2024

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